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  Vol. 296 No. 4, 26 Juillet 2006 TABLE OF CONTENTS
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Identification de patients à faible risque de thromboembolie veineuse récurrente par l'évaluation de la production de thrombine

Gregor Hron, MD; Marietta Kollars; Bernd R. Binder, MD; Sabine Eichinger, MD; Paul A. Kyrle, MD


RÉSUMÉ

Contexte Le dépistage des facteurs prédisposant à la thrombose chez les patients ayant fait une thromboembolie veineuse (TEV) est de pratique clinique courante. L'évaluation du risque de récurrence chez un patient en particulier est complexe en raison du grand nombre de facteurs de risque. Il serait par conséquent intéressant de disposer d'une méthode permettant de détecter une thrombophilie multifactorielle.

Objectif Etudier les relations entre les récurrences de TEV et la production de thrombine évaluée par un simple test de coagulation globale.

Plan expérimental, cadre et participants Étude de cohorte prospective effectuée chez 914 patients ayant eu une première TEV spontanée, suivis durant 47 mois en moyenne après arrêt d'un traitement antivitamine K. L'étude a été réalisée dans le département de médecine interne I de l'université médicale de Vienne (Vienne, Autriche) entre juillet 1992 et juillet 2005. La production de thrombine a été évaluée au moyen d'un système d'analyse commercialisé. Les motifs d'exclusion de l'étude étaient les suivants: TEV secondaire ou antécédent de TEV, déficit en antithrombine, en protéine C ou en protéine S, présence d'un anticoagulant lupique, cancer et grossesse.

Principal critère de jugement TEV récurrente symptomatique documentée de manière objective.

Résultats Une récurrence de TEV est survenue chez 100 patients (11 %). Chez les patients n'ayant pas de récurrence, la production de thrombine était plus faible que chez les patients ayant une récurrence (moyenne [écart type]: 349,2 [108,0] nM vs 419,5 [110,5] nM; p < 0,001). Par comparaison avec les patients ayant une production de thrombine supérieure à 400 nM, le risque relatif (RR) de récurrence était de 0,42 (intervalle de confiance [IC] à 95 %: 0,26 — 0,67; p < 0,001) chez les patients ayant des valeurs situées entre 300 nM et 400 nM et de 0,37 (IC à 95 %: 0,21 — 0,66; p = 0,001) chez les patients ayant des valeurs inférieures à 300 nM. Après 4 ans, la probabilité de récurrence était de 6,5 % (IC à 95 %: 4,0 % — 8,9 %) chez les patients ayant une production de thrombine inférieure à 400 nM et de 20,0 % (IC à 95 %: 14,9 % — 25,1 %) chez les patients ayant des valeurs plus élevés (p < 0,001). Les patients dont la production de thrombine était inférieure à 400 nM, qui représentaient deux tiers des participants, avaient un RR de récurrence inférieur de 60 % par rapport à ceux ayant des valeurs plus fortes (RR: 0,40; IC à 95 %: 0,27 — 0,60; p < 0,001).

Conclusion L'évaluation de la production de thrombine permet d'identifier des patients ayant un faible risque de récurrence de TEV.

JAMA. 2006 ; 296: 397-402.


Chez les patients qui font une thromboembolie veineuse (TEV), le traitement anticoagulant comporte tout d'abord une héparine de bas poids moléculaire à dose thérapeutique puis un antivitamine K pendant au moins 3 à 6 mois.1 Après l'arrêt du traitement anticoagulant, un tiers des patients ont une récurrence dans les 5 à 8 ans.2 Le taux de décès par récurrence est d'environ 5 %.3 L'identification des patients qui pourraient bénéficier d'un traitement anticoagulant à durée indéterminée (c'est-à-dire, les patients chez lesquels la probabilité de récurrence de TEV est supérieure à celle d'hémorragie grave du fait de l'anticoagulation) est par conséquent actuellement un des principaux objectifs de la recherche dans le domaine de la thrombose.

La probabilité de TEV récurrente varie selon les individus; elle est fortement influencée par la présence de facteurs de risque permanents et /ou acquis. Parmi les multiples facteurs de risque de thrombose, certains semblent avoir une responsabilité dans les maladies récurrentes: le déficit en antithrombine, protéine C ou protéine S; la présence d'une mutation homozygote ou de plusieurs mutations associées; la présence d'anticorps antiphospholipides; et des taux plasmatiques élevés de facteur VIII.4 Cependant, de nombreux patients faisant une TEV n'ont pas qu'un seul facteur les prédisposant à la thrombose et, à aujourd'hui, des facteurs de risque importants de TEV n'ont pas encore été identifiés. Dans l'idéal, un examen biologique unique qui détecterait une thrombophilie multifactorielle pourrait faciliter la détermination du risque global de TEV récurrente.

La formation de la thrombine est l'étape clé de l'hémostase. D'après les expériences faites in vitro, elle se fait en 2 phases. Tout d'abord, de petites quantités de thrombine sont produites après l'activation du facteur X par le complexe thromboplastine tissulaire - facteur VIIa. Cette thrombine initiale permet un développement de la coagulation en activant les plaquettes, le facteur V et le facteur VIII. Les facteurs VIIIa et IXa, générés par le complexe thromboplastine tissulaire - facteur VIIa, se combinent à la surface des plaquettes activées, ce qui conduit à l'activation du facteur X. Ceci entraîne la production de grandes quantités de thrombine, la formation de fibrine et, au bout du compte, la formation du caillot.5

L'activité thrombine peut être appréciée en surveillant de manière continue le clivage d'un substrat chromogène ou fluorescent. Cette méthode permet d'obtenir une courbe de la thrombine produite au cours du temps et d'en déduire différents paramètres, en particulier le temps nécessaire avant la montée brutale de production de thrombine, la quantité maximale de thrombine produite, la vitesse de production de thrombine et la quantité totale de thrombine produite (aire sous la courbe de production de thrombine). Dans une étude de Dargaud et coll.,6 une diminution de la production de thrombine a été constatée chez des patients ayant une tendance au saignement, tels que ceux ayant une hémophilie A ou B. A l'inverse, on a noté une augmentation de la production de thrombine chez des patients à risque de TEV, comme par exemple des femmes sous contraceptif oral7 ou des patients ayant un déficit d'un inhibiteur naturel8,9 ou un facteur II G20210A.10 En utilisant un modèle de simulation numérique, Brummel-Ziedens et coll.11 ont récemment montré une association entre la production de thrombine basée sur la composition sanguine individuelle et le risque de première thrombose veineuse.

Nous avons, par conséquent, pris pour hypothèse que les patients ayant fait une TEV pourraient être classés dans des catégories de faible risque et de haut risque de récurrence grâce à l'évaluation de la production de thrombine. Afin de tester cette hypothèse, nous avons suivi 914 patients ayant fait une première TEV spontanée et nous avons recherché des relations entre la production de thrombine et le risque de récurrence.


MÉTHODES

Patients et plan expérimental

AUREC (Austrian Study on Recurrent Venous Thromboembolism) est une étude de cohorte prospective en cours ayant inclus des patients de 4 centres spécialisés dans la thrombose à Vienne, Autriche.12 Le comité d'éthique de l'université médicale de Vienne a approuvé l'étude et tous les patients ont signé un formulaire de consentement éclairé au début de l'étude. Entre juillet 1992 et juillet 2005, 2977 patients successifs âgés de plus de 18 ans et traités par antivitamine K depuis au moins 3 mois après un épisode spontané de TEV ont été recrutés. Tous les patients avaient été traités par une héparine standard maintenant un temps de céphaline activée à 1,5 à 2 fois le temps du témoin ou avaient reçu des doses thérapeutiques sous-cutanées d'héparine de bas poids moléculaire.

Parmi les 2977 patients recrutés, 2063 ont été exclus. Le motif d'exclusion était une intervention chirurgicale, un traumatisme ou une grossesse dans les 3 mois précédents dans 462 cas, un cancer dans 458 cas et la nécessité d'un traitement à durée indéterminée par un médicament antithrombotique pour une raison autre qu'une TEV dans 453 cas. Par ailleurs, 377 patients ayant eu plus d'1 épisode de TEV, 75 patients ayant un anticoagulant lupique et 72 patients ayant un déficit en antithrombine, en protéine C ou en protéine S ont été mis sous antivitamines K pour une durée indéterminée et ont par conséquent été exclus. Nous avons également exclu 140 patients chez lesquels nous n'avions pas ce qui était nécessaire pour réaliser l'examen biologique et 26 patients ayant un taux de facteur VIII supérieur à 230 UI /dl et inclus dans un essai prospectif étudiant les effets d'un traitement anticoagulant à long terme.

Les patients ont été recrutés au moment de l'arrêt du traitement par antivitamine K, c'est-à-dire au moins 3 mois après l'épisode aigu de thrombose veineuse. Une prise de sang a été effectuée 3 semaines après l'arrêt de ce traitement pour les évaluations de l'antithrombine, la protéine C, la protéine S, l'anticoagulant lupique, le facteur V Leiden, le facteur II G20210A et les facteurs VIII et IX. Pour l'évaluation du pic de production de thrombine, du sang a été recueilli entre 3 semaines et 94 mois (médiane: 13 mois) après l'arrêt du traitement anticoagulant. Les patients ont été suivis en consultation tous les 3 mois durant la première année et tous les 6 mois par la suite. Il leur était demandé de prévenir immédiatement un médecin d'un des centres participants en cas de survenue de symptômes de TEV, des informations écrites détaillées leur ayant été données sur ces symptômes. Chaque consultation comportait un interrogatoire et un examen clinique. Il était déconseillé aux femmes de prendre un contraceptif oral ou un traitement hormonal substitutif.

Diagnostic de thromboembolie veineuse

Les critères diagnostiques de TEV ont été rapportés en détails ailleurs.12 Le diagnostic de thrombose veineuse profonde devait être confirmé par phlébographie ou échographie-doppler couleur (dans les thromboses veineuses profondes proximales seulement). Pour la phlébographie, 1 des critères suivants au moins devait être rempli: défaut constant de remplissage visible sur 2 incidences; interruption brutale d'un vaisseau rempli par le produit de contraste à un endroit constant de la veine; ou impossibilité de remplissage de la totalité du système veineux profond sans l'utilisation d'une technique de compression externe, avec ou sans circulation veineuse collatérale. Pour l'échographie-doppler couleur, au moins 1 des critères suivants devait être rempli: visualisation d'un thrombus dans la lumière d'une veine profonde, incompressibilité ou compressibilité incomplète.

Le diagnostic d'embolie pulmonaire était établi soit par scintigraphie de perfusion /ventilation ayant un résultat positif selon les critères de l'étude PIOPED (Prospective Investigation of Pulmonary Embolism Diagnosis)13 soit par scanner spiralé montrant 1 ou plusieurs zones d'hypodensité occupant partiellement ou totalement la lumière d'un vaisseau opacifié. Les patients ayant à la fois une thrombose veineuse profonde et une embolie pulmonaire étaient classés comme ayant une embolie pulmonaire.

Critère de jugement

Le critère de jugement de cette étude était la thrombose veineuse profonde symptomatique récurrente ou l'embolie pulmonaire symptomatique récurrente, le diagnostic étant établi selon les critères mentionnés ci-dessus. Il y avait récurrence de thrombose veineuse profonde si le patient avait (1) un thrombus dans la jambe non impliquée dans l'événement précédent; (2) un thrombus dans une autre veine de la jambe impliquée dans l'événement précédent; ou (3) un thrombus dans le même système veineux que celui impliqué dans l'événement précédent, avec extension proximale du thrombus si la limite supérieure du thrombus initial avait été visualisée ou, si elle ne l'avait pas été, présence d'une anomalie de remplissage par le produit de contraste cernée par le produit.

Analyses biologiques

Le sang veineux était recueilli dans 10 % de citrate trisodique à 3,6 %, centrifugé pendant 20 minutes à 2000g et stocké à -80°C jusqu'au moment de l'analyse. La production de thrombine était déterminée en utilisant un kit d'analyse Technothrombin TGA (Technoclone, Vienne, Autriche), un lecteur de microplaques contrôlé par ordinateur et complètement automatisé Genios (Tecan, Mannedorf, Suisse) et un logiciel spécialement adapté (Technothrombin TGA). Avec le kit d'analyse Technothrombin TGA, la formation de thrombine est mise en route, dans du plasma citraté, par 71,6 pM de thromboplastine tissulaire humaine recombinante et 3,2 µM de micelles de phospholipides (phosphatidylcholine [2.56 µM] et phosphatidylsérine [0.64 µM]). Pour cette étude, nous avons utilisé la concentration maximale de thrombine produite (pic de thrombine). Les valeurs de l'antithrombine, de la protéine C et de la protéine S ont été déterminées en utilisant les méthodes habituelles d'analyse biologique. La présence d'un anticoagulant lupique a été recherchée selon les critères de l'International Society of Thrombosis and Haemostasis.14 Les dépistages du facteur V Leiden et du facteur II G20210A ont été réalisés comme décrits précédemment.15,16 Les facteurs VIII et IX ont été dosés par les tests de coagulation en 1 étape décrits récemment.17,18

Analyse statistique

Les temps écoulés jusqu'à la récurrence (observations non censurées) et les temps de suivi pour les patients sans récurrence (observations censurées) ont été analysés en utilisant des méthodes de temps de survie.19 La probabilité de récurrence a été estimée selon la méthode de Kaplan Meier.20 Nous avons effectué un test des rangs logarithmiques pour comparer les groupes. Les données qualitatives ont été comparées en utilisant des tables de contingences (tests de {chi}2). Pour les données continues, nous avons utilisé le test de Mann et Whitney. Un modèle univariable et un modèle multivariable à risques proportionnels de Cox ont été utilisés pour l'analyse de l'association entre risque de TEV récurrente et pic de production de thrombine. Des ajustements ont été faits sur le sexe, l'âge, l'indice de masse corporelle, la durée du traitement anticoagulant oral, la situation du premier événement, le facteur V Leiden et le facteur II G20210A. Toutes les données sont données en moyennes (écart type) en l'absence d'indication contraire et la valeur de p < 0,05 a été considérée comme statistiquement significative. Le logiciel SPSS version 12.0 (SPSS Inc., Chicago, Illinois) a été utilisé pour tous les calculs statistiques.


RÉSULTATS

Patients

Les caractéristiques de départ des 914 patients sont indiquées au Tableau 1. Au cours de l'étude, 194 patients ont été exclus. Le motif d'exclusion était: diagnostic de cancer dans 17 cas, recours à un médicament antithrombotique pour raison autre qu'une TEV (pour une maladie artérielle ou une fibrillation auriculaire par exemple) dans 119 cas, grossesse dans 34 cas, perdu de vue dans 12 cas. Il y a eu, de plus, 12 décès pour raison autre qu'une TEV, la cause du décès étant une insuffisance cardiaque (6 cas), un cancer (2 cas), un étouffement (1 cas), une hémorragie cérébrale (1 cas), une dissection aortique (1 cas) ou un suicide (1 cas). Les patients ont été suivis jusqu'au moment de leur exclusion /décès, date à laquelle les données étaient censurées.


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Tableau 1.. Caractéristiques initiales des patients (N=914)*.


Récurrences de thromboembolie veineuse

Une récurrence de TEV est survenue chez 100 patients (11 %) (thrombose veineuse profonde chez 58 patients et embolie pulmonaire chez 42 patients). L'embolie pulmonaire a été mortelle chez 3 patients. La récurrence est survenue spontanément chez 90 patients et à la suite d'une intervention chirurgicale ou d'un traumatisme chez 10 patients. Une récurrence a été observée chez 69 hommes et 31 femmes. Les patients ayant une récurrence avaient des concentrations plus élevées de facteur VIII (173 [45] UI /dl vs 165 [45] UI /dl; p = 0,15) et de facteur IX (127 [29] UI /dl vs 118 [25] UI /dl; p = 0,002); leur période d'observation était plus courte (32 vs 48 mois; p < 0,001); et ils étaient plus âgés (50 vs 47 ans; p = 0,08). Le facteur V Leiden a été détecté chez 38 patients ayant une récurrence (38 %) et chez 222 patients (27 %; p = 0,03) n'ayant pas de récurrence. Le facteur II G20210A a été trouvé chez 9 patients ayant une récurrence (9 %) et chez 54 patients (7 %; p = 0,38) n'ayant pas de récurrence.

Pic de production de thrombine et risque de TEV récurrente

Le pic de production de thrombine était plus élevé chez les femmes que chez les hommes (366,5 [108,6] nM vs 345,0 [111,6] nM; p = 0,009) et les porteurs du facteur II G20210A avaient un pic plus élevé que les patients non porteurs de cette mutation (396,1 [122,4] nM vs 353,6 [108,9] nM; p = 0,004). Aucune différence dans le pic de production de thrombine n'a été observée entre les patients ayant un facteur V Leiden et ceux n'ayant pas cette mutation (357,5 [109,5] nM vs 356,1 [110,7] nM; p = 0,90). Il n'y avait pas non plus de différence entre les patients ayant un taux élevé de facteur VIII et ceux n'ayant pas un taux élevé (370,3 [106,3] nM vs 356,1 [110,7] nM; p = 0,43). Une deuxième évaluation du pic de production de thrombine a été effectuée dans un sous-groupe aléatoire de 319 patients. L'intervalle de temps prédéterminé entre la première et la deuxième évaluation était d'au moins 12 mois et de 30 mois au maximum. Aucune différence significative n'a été constatée entre la première et la deuxième évaluation du pic de thrombine (p = 0,67). Le coefficient de corrélation entre les 2 évaluations était de 0,46 (p < 0,001).

Les patients n'ayant pas de récurrence de TEV avaient un pic de production de thrombine significativement plus faible que celui des patients ayant une récurrence (349,2 [108,0] nM vs 419,5 [110,5] nM; p < 0,001). Aucune différence n'a été observée entre les patients ayant une thrombose veineuse récurrente spontanée et les patients ayant une récurrence secondaire un facteur déclenchant (419,3 [108,5] nM vs 421,5 [133,8] nM; p = 0,92).

Lorsque nous avons analysé le pic de production de thrombine comme une variable continue dans un modèle à risque proportionnel de Cox, nous avons constaté un risque relatif (RR) de récurrence de 1,04 (intervalle de confiance [IC] à 95 %: 1,02 - 1,06; p < 0,001) pour chaque augmentation de 10 nM, ce risque relatif restant identique après ajustement sur l'âge, le sexe, l'indice de masse corporelle, la situation de la première thrombose, la durée du traitement anticoagulant oral, le facteur V Leiden et le facteur II G20210A.

Les RR de TEV récurrente associés à chacune des catégories établies en fonction de la valeur du pic de production de thrombine sont visibles sur le Tableau 2. Par comparaison avec les patients ayant un pic supérieur ou égal à 400 nM, le RR de récurrence était de 0,42 (IC à 95 %: 0,26 - 0,67; p < 0,001) chez les patients ayant des valeurs situées entre 300 nM et 400 nM et de 0,37 (IC à 95 %: 0,21 - 0,66; p = 0,001) chez les patients ayant des valeurs inférieures à 300 nM. Des résultats similaires ont été obtenus dans l'analyse multivariable.


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Tableau 2.. Risque relatif de thromboembolie veineuse récurrente dans les 3 groupes d'effectif similaire établis en fonction de la valeur du pic de thrombine.


Nous avons ensuite comparé le risque de TEV récurrente chez les patients ayant un pic de production de thrombine supérieur ou égal à 400 nM et chez les patients ayant un pic inférieur à 400 nM. Cette limite de 400 a été choisie en se basant sur les analyses de régression de Cox et les RR obtenus dans les 3 groupes d'effectif similaire constitués. La limite inférieure du groupe des valeurs les plus élevées était de 400 nM et c'était celle qui permettait le mieux de différencier les patients à faible risque de ceux à haut risque. Les patients ayant un pic de production de thrombine inférieur à 400 étaient plus jeunes et une forte proportion d'entre eux avait des taux faibles de facteur VIII ou IX. Aucune différence entre les 2 groupes n'a été constatée concernant le facteur V Leiden (voir Tableau 3). À 4 ans, la probabilité de TEV récurrente était de 6,5 % (IC à 95 %: 4,0 % - 8,9 %) chez les patients ayant un pic de production de thrombine inférieur à 400 nM contre 20,0 % (IC à 95 %: 14,9 % - 25,1 %) chez les patients ayant un pic de production de thrombine supérieur ou égal à 400 nM (p < 0,001 par test des rangs logarithmiques [voir le Schéma]). Par comparaison avec les patients ayant un pic de production de thrombine supérieur ou égal à 400 nM, le RR de récurrence était de 0,40 (IC à 95 %: 0,27 - 0,60; p < 0,001) chez ceux qui avaient une valeur plus basse. Ce RR n'était pas notablement modifié après ajustements sur l'âge, le sexe, l'indice de masse corporelle, la situation de la première thrombose, la durée du traitement anticoagulant oral, l'existence d'un facteur V Leiden et l'existence d'un facteur II G20210A (RR: 0,42; IC 95 %: 0,27 - 0,63; p < 0,001).


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Tableau 3.. Caractéristiques des patients en fonction du pic de production de thrombine*.


Le risque de TEV récurrente a été comparé chez les patients chez lesquels l'évaluation du pic de production de thrombine avait été faite moins de 13 mois après l'arrêt du traitement anticoagulant et chez les patients chez lesquels cette évaluation avait été faite sur un échantillon de sang prélevé plus tardivement. Les RR correspondant chez les patients ayant un pic de production de thrombine inférieur à 400 nM, avec ajustements sur les variables indiquées ci-dessus, étaient presque identiques (0,33; IC 95 %: 0,19 - 0,57; p = 0,002 vs 0,34; IC 95 %: 0,17 - 0,67; p < 0,001).


COMMENTAIRES

Dans cette importante étude de cohorte prospective, nous avons constaté, chez des patients qui avaient fait une première TEV spontanée, que ceux qui avaient un pic de production de thrombine inférieur à 400 nM après arrêt des antivitamines K avaient un risque faible de récurrence. D'après l'analyse de Kaplan Meier, la probabilité de TEV récurrente chez ces patients était de moins de 7 % après 4 ans, avec une limite supérieure de l'IC à 95 % de 9 %. Comparés aux patients ayant des valeurs du pic de production de thrombine supérieures à 400 nM, ceux qui avaient des valeurs inférieures avaient un risque de récurrence presque 60 % plus faible. Il est également important de noter que le groupe ayant un pic de production de thrombine faible comprenait les deux tiers des patients de notre échantillon.

La durée optimale du traitement nécessaire après une TEV pour éviter une thrombose secondaire est mal connue. Si les antivitamines K assurent une protection presque totale contre les TEV, ils occasionnent pour le patient une gêne et un risque de saignements. Les taux d'incidence des hémorragies graves chez les patients traités par antivitamines K, avec un INR compris entre 2 et 3, vont de 2 à 4 pour 100 patients-années,21,22 les taux d'incidence des hémorragies intracrâniennes allant de 0,1 à 0,3 pour 100 patients-années.23 La poursuite des antivitamines K au-delà de 3 à 6 mois ne se justifie que pour les patients chez lesquels la probabilité d'avoir une TEV récurrente excède le risque de saignements. L'identification de tels patients est, cependant, encore un véritable puzzle. Au cours du temps, plusieurs facteurs de risque biologiques de TEV récurrente ont été identifiés et le dépistage systématique complet des facteurs prédisposant à la thrombose est donc devenu une pratique courante. Ce dépistage est coûteux et souvent peu concluant dans la mesure où l'influence de certaines anomalies sur le risque de récurrence est incertain, où de nombreux patients ont plus d'1 facteur de risque et où des facteurs de risque n'ont pas encore été identifiés.

Dans un tel contexte, nous pensons que nos constatations ont un intérêt clinique majeur. En utilisant une simple méthode d'analyse biologique commercialisée, mise au point pour évaluer la production de thrombine, nous avons pu identifier des patients chez lesquels le risque à long terme de TEV récurrente est presque négligeable. Si l'on considère les taux d'incidence des hémorragies graves et mortelles liées au traitement anticoagulant et le taux de décès par récurrence de TEV, il est probable que, pour les patients ayant un pic de production de thrombine bas (< 400 nM), aucun bénéfice ne puisse être tiré d'un traitement anticoagulant à durée indéterminée. Un dépistage complet des facteurs de thrombophilie ne semble donc pas nécessaire dans ce vaste groupe de patients à faible risque. À cet égard, il est intéressant de noter que les fréquences de ces facteurs de risque thrombotique importants que sont des taux plasmatiques élevés de facteurs VIII ou IX ou la présence d'un facteur II G20210A étaient moins élevées chez les patients ayant un pic de production de thrombine inférieur à 400 nM que chez les patients ayant des valeurs plus élevées.

Nous devons aborder certaines limites de cette étude. Nos données ne sont pas applicables à certains groupes de patients. Les patients porteurs d'un déficit en antithrombine, en protéine C ou en protéine S ont été considérés comme candidats à un traitement anticoagulant à durée indéterminée et, par conséquent, ont été exclus de cette étude. Il existe, cependant, dans la littérature des données indiquant que la formation de thrombine est augmentée non seulement chez les patients ayant un déficit en antithrombine mais aussi chez les patients ayant des taux plasmatiques bas de protéine C ou de protéine S.8,9,24 Il est par conséquent probable que nous trouverions des pics de production de thrombine élevés chez les patients ayant un déficit inné d'un inhibiteur de la coagulation, chez lesquels le risque de récurrence semble élevé. Dans notre établissement, les patients qui font plus d'1 épisode de TEV et ceux qui ont un anticoagulant lupique et une TEV secondaire reçoivent systématiquement un traitement anticoagulant à durée indéterminée et sont, par conséquent, exclus de cette étude. Nous avons également exclu les patients à bas risque ayant une TEV secondaire à une intervention chirurgicale, un traumatisme ou une grossesse, chez lesquels un traitement anticoagulant prolongé n'est habituellement pas justifié. L'intervalle médian entre l'arrêt du traitement anticoagulant et l'évaluation du pic de production de thrombine était de 13 mois et a été très variable selon les patients. Nous avons évalué le pic de production de thrombine dans un deuxième échantillon sanguin afin d'étudier si le moment de l'évaluation avait une influence. Il existait une corrélation significative entre les 2 évaluations et nous n'avons trouvé aucune différence statistiquement significative entre la première et la deuxième évaluation du pic de production de thrombine. En outre, le risque de récurrence était identique que l'évaluation ait eu lieu moins de 13 mois ou plus de 13 mois après l'arrêt du traitement anticoagulant. Ces données suggèrent la stabilité des évaluations du pic de production de thrombine au cours du temps. AUREC est une étude de cohorte suscitant des hypothèses; ceci exclut la détermination à l'avance de certaines valeurs limites. Nos observations devraient par conséquent servir de base à une étude expérimentale prospective qui permettrait de les valider.


Figure 1
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Figure.. Estimations par la méthode de Kaplan Meier du risque de thromboembolie veineuse en fonction du pic de production de thrombine. La probabilité de thromboembolie veineuse récurrente était moindre chez les patients ayant une valeur du pic de thrombine inférieure à 400 nM (p < 0,001 par test des rangs logarithmiques [ou logrank]). La valeur médiane du temps de suivi était de 37 mois (1 à 155 mois).



CONCLUSION

Grâce à l'utilisation d'un système d'analyse biologique simple et peu coûteux évaluant la production de thrombine, nous avons pu identifier un grand nombre de patients ayant eu une thrombose dont le risque de récurrence était faible. Ces patients représentaient les deux tiers de notre cohorte. Il est probable qu'un traitement à durée indéterminée par antivitamines K n'apporterait aucun bénéfice chez ces patients.


Informations sur les auteurs

Correspondance: Paul A. Kyrle, MD, Department of Internal Medicine I,Medical University of Vienna, Währinger Gürtel 18-20, A-1090 Vienna, Austria (paul.kyrle{at}meduniwien.ac.at).

Contributions des auteurs: le Dr Kyrle a eu un accès complet à toutes les données de l'étude et accepte la responsabilité de l'intégrité des données et de l'exactitude de l'analyse des données.

Conception et schéma de l'étude: Eichinger, Kyrle.

Recueil des données: Kollars.

Analyse et interprétation des données: Hron, Binder, Eichinger, Kyrle.

Rédaction du manuscrit: Hron, Kyrle.

Revue critique du manuscrit: Kollars, Binder, Eichinger.

Analyse statistique: Hron.

Obtention du financement: Eichinger, Kyrle. Aide administrative, technique ou matérielle: Kollars, Binder.

Supervision de l'étude: Eichinger.

Liens financiers: Le Dr Binder a déclaré qu'il est médecin en chef pour la recherche scientifique de TechnocloneGmbH,Vienne, Autriche.

Financement/Soutien: ce travail a bénéficié d'un soutien sous la forme de bourse du Medizinisch-Wissenschaftlicher Fonds des Bürgermeisters der Bundeshauptstadt Wien et du Jubiläumsfond of the Austrian National Bank. Le kit du test Technothrombin TGA et les équipements respectifs nécessaires à l'analyse ont été fournis par Technoclone, Vienne, Autriche.

Rôle du sponsor: les sponsors n'ont joué aucunrôle dans le schéma, la réalisation de l'étude, dans le recueil, le suivi et l'analyse et dans l'interprétation des données ni dans la préparation du manuscrit.

Affiliations des auteurs : Departments of Internal Medicine I (Drs Hron, Eichinger, and Kyrle and Ms Kollars) and Vascular Biology and Thrombosis Research, Center for Biomolecular Medicine and Pharmacology (Dr Binder), Medical University of Vienna, Austria.


BIBLIOGRAPHIE

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ARTICLE EN RAPPORT

Identification de patients à faible risque de thromboembolie veineuse récurrente par l'évaluation de la production de thrombine
Gregor Hron, Marietta Kollars, Bernd R. Binder, Sabine Eichinger, et Paul A. Kyrle
JAMA. 2006;296:397-402.
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